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dimanche 5 février 2012



La caravane humaine


J'ai connu, 
dans ma vie, 
qui s'étire déjà pas mal, 
quelques grands vivants.
Ils n'étaient pas tous célèbres, 
loin de là. 
Mais ils avaient tous 
assez d'amour dans le coeur 
pour en donner 
à beaucoup.

Ils n'avaient pas tous un épais portefeuille, 
tant s'en faut. 
Mais ils avaient tous 
une grande passion dans l'âme 
qui donnait du sens 
à tout ce qu'ils faisaient.

Ils n'étaient pas tous très instruits, 
oh non ! 
Mais ils avaient tous développé 
une sagesse en leur esprit 
qui en faisait 
de merveilleux conseillers.

Ils avaient souffert, 
souvent même beaucoup : 
maladies, échecs, abandons, trahisons. 
Mais jamais, 
ils ne s'étaient laissés abattre. 
Toujours, 
ils avaient rebondi 
devant l'épreuve.

Ils avaient compris 
depuis longtemps 
que donner 
est plus agréable que recevoir, 
qu'écouter 
est plus intéressant que parler, 
qu'admirer 
est plus utile que condamner.

Ils avaient découvert 
que l'intelligence sans le coeur 
est bien malcommode 
et que le coeur sans les mains 
ne vaut guère mieux.

Ils avaient trouvé aussi, 
souvent péniblement, 
que la vraie vie 
ne se vit pas tout seul. 
Il y a les autres 
sur qui on peut s'appuyer.

Ils avaient tous gardé 
un sens de l'émerveillement peu commun. 
Capables de se pâmer 
devant une rose fraîchement éclose 
autant que devant le sourire d'un enfant 
ou les mains ridées d'un vieillard.

Ils étaient ardent à l'ouvrage 
et fervents pour l'amour. 
Ils avaient la force des départs 
et le courage des recommencements. 
Ils avaient du coeur au ventre 
et aussi plein les mains.

Il émanait de leur personne 
une sorte de magnétisme 
qui donnait le goût 
de faire un bout de chemin avec eux. 
Leur seule présence inspirait confiance. 
Ils dégageaient beaucoup d'amour. 
On était bien avec eux.

A les voir, 
on avait le sentiment d'être meilleur. 
A côté d'eux, 
on avait envie de grandir. 
Ils avaient du feu 
dans les yeux et dans le coeur.

Et certains, 
au cours du voyage, 
avaient rencontré Dieu 
qui avait éclairé leurs pas, 
guéri leurs blessures 
et réchauffé leurs froidures.

Bref, 
ils avaient le goût de vivre 
et ils donnaient le goût de vivre.

* * *

Mais j'en ai connu d'autres 
qui avaient perdu 
ce goût de vivre 
et qui traînaient à pas lents 
une vie lourde de misères. 
Grands blessés, 
oubliés, déprimés, 
angoissés, perdus.

Ce n'était pas toujours 
de leur faute. 
Ils ont excité en moi 
la pitié, 
puis la compassion, 
et enfin l'amour. 
Je leur ai voué 
une bonne partie de ma vie. 
Ils sont devenus 
des maîtres pour moi 
et je compte parmi eux 
quelques-uns de mes meilleurs amis.

Et, il faut le dire, 
j'en ai connu enfin 
qui enlevaient aux autres 
le goût de vivre, 
qui utilisaient les gens 
plutôt que de les aimer. 
Mesquins, égoïstes, 
ambitieux, hypocrites, 
veules, jaloux, 
jugeurs, exploiteurs.

Eux aussi 
n'étaient pas toujours coupables. 
Ils m'ont souvent donné 
l'envie de vomir 
quand ils croisaient ma route. 
Peu à peu, cependant, 
ils m'ont appris 
la compréhension, la bonté 
et surtout le pardon.

* * *

Dans la caravane humaine, 
il y a toutes sortes de marcheurs. 
Des leaders et des suiveurs, 
des infatigables et des fatigués, 
des joyeux et des tristes, 
des bons vivants et des agressifs, 
des grands, des moyens, des petits, 
des fins et des pas-fins, 
des forts et des faibles...

Les uns courent, 
d'autres s'essoufflent à rien, 
d'autres s'assoient sur le bord de route, 
d'autres enfin rebroussent chemin.

Mais tous sont portés ou emportés 
par cette marée humaine. 
Tous, même sans le savoir, 
sont avides d'amour, 
sont assoiffés de vie. 
Ils veulent VIVRE. 
Ils portent en eux, 
comme le trésor le plus précieux, 
cet acharnement à vouloir vivre.

Qui leur a rivé au coeur 
ce goût de vivre, 
dites-le moi ? 
Je ne serais pas surpris que ce soit 
Celui qui est la Vie, 
Celui qui a brisé 
les chaînes de toutes nos morts 
afin que nous puissions 
VIVRE TOUJOURS !



Jules Beaulac, Que c'est bon la vie !, Ed. du Levain, l990

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